[EPISODE 2] Mars, le scénario raté

Le petit problème de Mars ?

Espoir, Mars, comme la Terre et Vénus reçoit théoriquement suffisamment d’irradiation du Soleil pour potentiellement préserver de l’eau liquide à sa surface. Mais le scénario martien est plus tourmenté que cela. La surface de Mars n’est aujourd’hui pas habitable. L’eau liquide n’y est jamais présente. Si le fantasme de la découverte d’une vie active s’effrite de missions en missions, établir l’histoire martienne est aujourd’hui plus que jamais, une épopée scientifique intense.

Incursion en terre martienne avec François Forget, chercheur à l’institut Pierre Simon Laplace, expert en modélisation des climats et environnement des planètes , impliqué dans différentes missions spatiales pour Mars.

Pourquoi Mars, ça n’a pas marché ?

François Forget : « L’eau est actuellement présente sur Mars sous forme de vapeur ou de couche de glace, souvent recouverte de quelques centimètres de sable, jamais sous forme liquide. Son atmosphère de CO2, trop fine, ne lui permet pas d’atteindre une pression suffisante pour maintenir l’eau sous sa phase liquide. Pourtant, il a 3 à 4 milliards d’années, il en était tout autrement : les traces de l’abondance ancienne d’eau liquide sont nombreuses sur la planète rouge. Sédiments lacustres, lits de rivières asséchées sont les témoins de ce passé, qui atteste de la présence d’une atmosphère initialement plus épaisse. La question est donc de comprendre quels sont les processus physiques en cause dans la perte de cette atmosphère de CO2. C’est un domaine de recherche actif et différents mécanismes sont actuellement proposés mais toutes les hypothèses se résument finalement à un paramètre : Mars est trop petite, donc pas assez massive pour « garder » son atmosphère.

En effet, l’atmosphère des planètes telluriques provient en partie du dégazage progressif de leur sol. Cependant, quand le Soleil était jeune, il était très actif et rayonnait fortement dans la gamme des UV et X. La haute atmosphère des planètes était donc extrêmement chauffée. Ce phénomène, présent sur Terre comme sur Mars, entrainait une mise en mouvement des molécules de l’atmosphère à des vitesses élevées. Seulement, dans le cas de la Terre, le phénomène a été négligeable. Les molécules de notre atmosphère n’atteignaient pas la vitesse de libération, seuil au delà duquel elles parviendraient à s’échapper dans l’espace. Cette vitesse limite est liée à la gravité qui règne sur chaque planète. La Terre, plus massive que Mars, possède donc une vitesse de libération d’autant plus forte, de l’ordre de 11km/s, pour Mars, elle avoisine les 5 km/s. Ainsi, jusque 4,1 milliards d’années, la faible gravité de la planète rouge ne lui aurait pas permis de garder et cumuler une atmosphère. Elle s’échappait, au fur et à mesure, dans l’espace.

Le scénario actuel imagine qu’ensuite, à partir de 4,2 à 4,1 milliards d’années, l’accumulation d’une atmosphère secondaire, riche en CO2, a été possible sur Mars, le bombardement tardif, qui aurait eu lieu il y a 3,8 – 3,9 milliards d’années, pourrait y avoir contribué. Cela expliquerait les vestiges de lacs et rivières martiens anciens de 3, 8 milliards d’années. Mais qu’est devenu cette épaisse atmosphère de CO2 ? Si l’échappement par réchauffement n’opérait plus,  quels phénomènes expliquent une telle perte ? C’est un sujet assez débattu, une enquête en cours. La mission Maven étudie précisément les mécanismes d’échappement de l’atmosphère martienne actuelle. Malheureusement, pour l’instant elle a fonctionné dans une période où l’activité solaire n’était pas très forte. Il reste donc difficile de comparer les observations actuelles avec les phénomènes passés, d’autant plus que la relation entre l’activité solaire et l’échappement n’est pas linéaire. En fait, quand l’intensité du rayonnement UV était dix fois plus fort, l’échappement était 1000 fois plus fort. Il reste donc à étudier cette relation.»

Quelles sont les pistes poursuivies aujourd’hui ?

François Forget : « Pour l’heure, les résultats de la mission Maven suggèrent que d’autres processus complexes, non thermiques, sont capables d’éjecter efficacement cette atmosphère. L’autre piste beaucoup investiguée est celle de la dissolution du CO2 atmosphérique sous forme de roche carbonate, un phénomène qu’on observe avec nos roches calcaires terrestres, par exemple.

On s’attèle à retrouver les traces de ces carbonates martiens et les quantifier, d’ailleurs l’un des objectifs de la mission Mars Express était de cartographier leur présence, mais peu ont été détecté dans les faits. Aujourd’hui encore, les estimations de ces quantités font débat! Dans tous les cas Mars étant trop petite, elle ne possède pas une énergie interne suffisante pour générer une tectonique des plaques lui permettant de recycler son carbone comme c’est le cas sur Terre.»

En conclusion ?

François Forget : « Mars a peut-être perdu une grande partie de son atmosphère secondaire par échappement mais d’autres mécanismes complexes sont aussi à l’œuvre. Dans tous les cas, ces hypothèses amènent à penser que son incapacité actuelle à préserver une atmosphère et donc de l’eau liquide à sa surface est lié à une chose : elle est trop petite ! »

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