Nouvelles | Finales Terra 56

Version de Clara

La signature de l’eau

par Clara

 

La signature de l’eau

        Le vaisseau des Sourciers s’était posé deux jours plus tôt sur Nova Terra 56, dans une plaine de poussière turquoise, baignée par la lumière aux reflets grenat de l’étoile proche, et barrée au loin par une ligne de sommets dentelés, une chaîne de montagnes sans doute très jeune. Sur certains des pics, une calotte blanche étincelait dans la lueur rose. Des glaciers ?  Difficile de dire à cette distance. En tout cas il y avait de l’eau sur Terra 56. C’était la raison principale de la présence des Sourciers. Les capteurs du vaisseau avaient détecté la signature de l’eau depuis l’espace, dans le spectre lumineux de la planète. D’une manière générale, Terra 56 présentait des conditions quasi idéales pour fonder une nouvelle Terre. Elle était à la même distance de son étoile que la Première Terre de son Soleil. Elle était un peu plus grosse que la Première Terre, la gravité y était donc plus forte, et l’air était plus chargé en dioxyde de carbone, mais rien que des combinaisons adaptées ne puissent compenser. Et il y avait du mouvement à la surface de la planète. Etait-ce des éruptions volcaniques, des vents violents balayant un paysage désert, des pluies ou des orages peut-être ? Ou bien était-ce autre chose, davantage… ? Y avait-il de la vie sur Terra 56 ?

Hateya Somari, la capitaine de l’expédition, une femme âgée tannée par des années d’expéditions spatiales, avait appris à ne plus l’espérer. Depuis des siècles que l’humanité s’était lancée à la conquête du cosmos, on n’avait pas trouvé la moindre trace d’existence extraterrestre, pas même une bactérie. L’homme se résolvait peu à peu à être seul dans l’univers. Et pourtant… Pourtant Hateya avait eu un pressentiment étrange, en apercevant pour la première fois l’horizon de Terra 56  par la baie vitrée de la dunette, ses deux lunes et son jour aux couleurs de crépuscule. L’équipage avait appris à se fier aux intuitions de sa capitaine. Certains murmuraient qu’elle avait des dons chamaniques, hérités de lointains ancêtres sioux, des indiens de la Première Terre. Plus simplement, Hateya avait un bon instinct, aiguisé par des décennies d’observation et d’exploration spatiale. Et cette planète… Aucune exoplanète n’était semblable à une autre, bien sûr, mais Terra 56 avait quelque chose de plus encore. Quelque chose de radicalement différent.

Le lendemain de l’atterrissage, l’équipage avait lancé la première expédition sur le sol, à bord de véhicules tout-terrain, en emportant de l’eau et des rations pour une semaine. Ils étaient partis en équipe réduite, Hateya bien sûr, puis Corey, le mécanicien du bord, un quadra aux cheveux vert vif, aux allures d’éternel adolescent, mais qui était capable de réparer n’importe quelle machine avec quasiment rien  même au milieu d’une tempête de sable. A ceux-là s’ajoutaient deux ingénieurs, Léa et Oslan, deux jumeaux, une biologiste et un géologue, tous deux blonds et pâles, qui vivaient dans leur propre monde et se comprenaient presque sans parole. Et enfin Adrien Sorbier, un prospecteur au service des Compagnies Minières, le consortium privé qui finançait en partie l’expédition.

Au deuxième jour sur Terra 56, le petit groupe arriva au bord d’un ruisseau, à peine un filet d’eau qui serpentait dans la plaine turquoise. La chaîne de montagne s’était quelque peu rapprochée, et en pointant ses jumelles vers elle, Hateya aperçut comme des ombres sur certaines de ses pentes. De la végétation ?  Plus probablement un caprice de la roche… La capitaine balaya l’horizon du regard. Les volutes de poussière masquaient une partie de la plaine. Agenouillés près du ruisseau, microscope en main, Léa et Oslan analysaient la composition de l’eau. Soudain Léa poussa une exclamation.

En s’approchant du ruisseau, le groupe découvrit de tous petits poissons qui filaient plus vite qu’une fusée. Ils étaient multicolores. Chacun semblait unique et possédait des nageoires, des formes ou des écailles différentes. Léa et Oslan furent émerveillés en voyant passer un groupe à la couleur  turquoise comme le sol sur lequel ils se trouvaient. Soudain, Hateya fit tomber une goutte d’eau sur le sol poudreux et il se forma de petits grumeaux  qui bientôt firent un poisson qui sauta dans l’eau. Tout le groupe fut estomaqué de voir comment au contact de l’eau, la poussière du sol formait de petits animaux marins.

En avançant un peu plus loin, Adrien fit signe au groupe de le rejoindre sur la plaine. Il venait de découvrir de petits amas de poudre multicolore. Les deux jumeaux se hâtèrent de glisser de petites gouttes d’eau sur ces tas, avec leur synchronisation habituelle. Cette fois-ci, cela créait des plantes, chacune différente, comme les poissons. Hateya, la capitaine mais aussi la plus avisée de la mission, prit des échantillons de poudre afin de prouver qu’une forme de vie habitait Terra 56. Léa, la biologiste, analysa rapidement ces plantes qui lui étaient inconnues. Elles étaient différentes de celles que l’on pouvait trouver sur Terre. Corey le mécanicien interrogea ses collègues, intrigué par leurs découvertes. Soudain il s’écria :

-Oh, regardez le trou où nous avions trouvé de l’eau est vide ! Il n’y a plus d’eau !

Le groupe des Sourciers s’empressa de constater qu’effectivement l’eau avait disparu. Plus de poissons. Hateya décida de suivre le chemin creusé par l’eau, et maintenant asséché, afin d’en savoir plus. Au bout d’une dizaine de minutes de marche, les Sourciers retrouvèrent l’eau, mais elle avançait très doucement sur le sol, prolongeant son cheminement en laissant derrière elle une trace. Léa s’exclama avec beaucoup d’intelligence:

-L’eau laisse une trace, elle avance en marquant son passage sur le sol.

Après cette étrange découverte, le groupe décida de s’occuper de la nature du sol afin d’y trouver des indices ou des nouveautés. Corey installa des projecteurs géants  dans un périmètre délimité par de grande bandes blanches. Hateya installa tout son matériel, ainsi que celui de biologie et de géologie qui appartenait à son équipe. Elle proposa de gratter le sol afin de l’étudier, mais Oslan la contredit aussitôt :

-Ah non, Hateya, ce n’est pas une bonne idée. Abîmer le sol coloré de cette planète juste pour ça !

-Comment, Oslan? Mais nous sommes ici en mission pour faire avancer la science, pour rapporter de nouvelles connaissances sur Terre…Nous ne sommes pas ici uniquement pour admirer la magnifique couleur des sols ! s’écria la capitaine. Prélevons des échantillons !

-Jamais je n’endommagerai cette planète, il ne s’agit pas de la détruire alors que nous sommes venus pour chercher de l’eau.

-Ne me rends pas la tâche plus difficile qu’elle n’est, Oslan.

Hateya était effarée que son équipe réagisse ainsi. Elle décida tout de même d’effectuer quelques prélèvements, et de mettre les échantillons de sable dans des tubes à essai hermétiques avant qu’Oslan ne puisse protester de nouveau. Exténuée et vexée, elle s’empressa de ranger tout le matériel seule, pendant que les autres la regardaient sans intervenir. Elle ne comprenait pas le comportement de son équipe. Elle n’avait pas l’habitude d’être seule contre tous. Elle, si sage, si réconfortante, si intelligente…et que tout le monde adorait.

La doyenne rangea le matériel dans le vaisseau des Sourciers et déclara sèchement:

-On rentre! J’ai tous les échantillons nécessaires, nous analyserons tout cela une fois sur Terre

En silence, tous reprirent leur place dans le vaisseau, et le commandant démarra la machine en direction de la Terre. C’était la fin de la mission des sourciers sur Terra 56.

Arrivés au centre d’analyse sur Terre, après trois jours de voyage, l’équipe installa les échantillons au laboratoire. Hateya toujours vexée de l’étrange réaction de ses collègues travaillait de son côté. Elle s’occupait de l’analyse du sol et de l’eau. Léa et Oslan travaillaient sur le sable et les plantes, quant à Adrien il examinait les roches. Corey, lui, s’occupait de réparer le vaisseau qui en avait bien besoin.

Hateya mélangea la poudre du sol à de l’eau pour voir si les poissons naîtraient, mais rien ne se produisit. Stupéfaite, elle compara l’eau ramenée de Terra 56 à l’eau terrestre et remarqua des molécules supplémentaires dans celle de Terra 56, la même plusieurs fois :  une molécule encore inconnue.

A la suite de cette découverte, elle demanda aux autres d’essayer d’extraire de l’eau des échantillons  de sable et de cailloux. Chacun mit la main à la pâte et  grâce à leurs efforts, ils réussirent à extraire une ou deux gouttes d’eau. Elles contenaient exactement la même molécule que celle trouvée par Hateya. Après avoir vainement cherché dans l’eau terrestre, ils constatèrent que seule l’eau de Terra 56 en contenait. A la suite de quoi Hateya déclara :

-Mes chers collègues, le bilan est simple : cette molécule n’existe que sur Terra 56. C’est une trace complètement nouvelle que cette eau laisse sur cette planète. Cette eau possède une propriété unique que nous ne trouverons jamais sur Terre. Sans doute est-elle impropre à notre consommation mais elle a des pouvoirs étonnants. Je vous invite par conséquent à ne pas divulguer ses propriétés extraordinaires sinon cette planète risque d’être pillée… et nous devons la protéger comme le souhaitait Oslan. Je vous demande donc de garder secrète la signature de l’eau.

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