[ATELIER ECRITURE]
Mission vers
KIC 8462852
Cette mission est née d’un workshop durant les Utopiales 2017, workshop au début duquel Vincent Minier et Stéphane Le Mouélic nous ont présenté les caractéristiques de l’étoile KIC 8462852.Ensuite les participants se sont répartis en trois groupes.
Le premier groupe a créé un vaisseau et un équipage. Il était composé de Natacha Brun, Dominique Massot, Arnaud Sanson, Guillaume Millot, Daz et Paul Sauvage.
Le deuxième groupe a créé une planète morte dans l’orbite de KIC 8462852 – avec Thomas Lecomte, Emilie Leverrier, Mouad Akrim, Maïm Garnier et Murielle Goupy.
Enfin le troisième groupe a crée une planète vivante – avec Hélène Néra, Régis Tytgat, Nicolas et Romain.
L’équipage a abordé chacune des deux planètes. Voici les deux récits.
Écriture dirigée et mise en forme par Estelle Faye, toujours dans le cadre du projet lancé par Alice Mounissamy – et merci aux Utopiales pour leur accueil !
Dans un futur lointain…
Le Vaisseau Arche Noé transporte depuis des siècles, au travers de la Galaxie, ce qui subsiste de l’Humanité : une immense banque de données génétiques, à la recherche d’une nouvelle planète à coloniser. Aucun humain ne dirige le Vaisseau Arche dans l’espace. C’est l’IA, Mary Poppins, qui seule est aux commandes. Dans les couloirs du vaisseau, ou lors des explorations planétaires, Mary s’incarne dans un androïde, communiquant sans un son avec les machines de Noé, et avec le rover Watson, qui erre sans fin entre les tubulures, entre deux missions. A l’approche de chaque nouvelle planète, de chaque nouvelle terre potentielle, Mary fait naître deux couples d’humains, deux couples d’explorateurs. Ceux-ci viennent au monde vingt et trente-cinq ans avant d’aborder la planète, la temps pour Mary de les former, de les élever dans le culte de l’Ancienne Terre. Ces humains sont modifiés, également, ultra spécialisés pour relever les défis que leur posent leur mission. Ils peuvent mourir au cours de celle-ci. Ils ont de fortes chances de mourir. Mais ils se sacrifient sans une hésitation pour la cause, pour que le rêve de l’Ancienne Terre puisse revivre un jour. Dans ce monde flottant où le métal est rare, où les robots sont précieux, les humains sont devenus remplaçables. Si un groupe d’explorateurs meurt, Mary Poppins n’aura aucun mal à en faire croître un nouveau.
A trente-cinq ans, Dorothy sait tout cela par coeur. Même elle l’accepte avec joie. Alors qu’elle vérifie une dernière fois les capteurs de sa combinaison, dans le module qui l’emporte avec son équipage vers KIC 8462852, un frisson lui dévale l’échine. Ce sera elle, sans doute, la capitaine qui mettra la première le pied sur la Prochaine Terre. Une lueur fanatique traverse ses yeux clairs, ou peut-être n’est-ce qu’un reflet lointain des étoiles, qui brillent de l’autre côté du cockpit. Si elle n’avait pas été programmée, conditionnée dès la naissance et après pour garder son calme, sans doute son coeur s’emballerait.
Une boule de poils vient se frotter contre ses jambes, avec un ronronnement sonore. Dorothy se baisse et ramasse sans effort un énorme chat manul, Bob, surnommé Doudou, un cadeau de Mary Poppins qui l’a recréé à partir de la banque de données « faune et flore de Mongolie ».
— Il est bientôt temps de te mettre dans ton scaphandre, murmure-t-elle en lui grattant le crâne.
Elle jette un coup d’œil rapide autour d’elle. C’est son seul point faible, songe-t-elle, ou son point sensible plutôt, cet attachement sans borne qu’elle éprouve pour le félin renfrogné. Heureusement personne ne lui prête attention. Les petits jeunes sont encore en bas, dans le mess, et à côté d’elle Ulysse est plongé dans une de ses grandes conversations silencieuses avec Watson le rover. Ils échangent des données sans avoir besoin de se parler. De temps à autres, Ulysse plisse les paupières de ses deux paires d’yeux turquoise. C’est un hyper sensible, tous ses sens sont exacerbés, ses intuitions aussi. Ulysse a déjà sa trousse de mécano à la ceinture, mais même sans ça la symbiose qui l’unit au rover est évidente pour n’importe quel observateur un tant soit peu attentif. Dans l’ancien monde, aux temps antiques où l’Humanité n’était pas le produit d’une sélection rigoureuse, Ulysse se serait sans doute vu comme un rival potentiel de Dorothy, pour le poste de capitaine. Mais pas ici. Sa mémoire extraordinaire, son hypersensibilité, le rendent plus précieux mais également plus fragile que les autres membres de l’équipage. Il est trop facilement saturable, incapable de prendre des décisions rapides et il se sait.
Les muscles de l’équipage, à cette heure-ci, ils sont encore dans le mess. Lorie, vingt ans, nommée ainsi d’après une héroïne de l’Ancienne Terre, est un véritable tank humain. Indestructible en apparence, parfaitement adaptée à l’environnement qui attend les explorateurs… Physiquement, Lorie est la plus puissante de l’équipage. Mais parfois, sur ce genre de modèle d’humain, cette force s’accompagne de failles psychologiques mal repérables… A côté d’elle, Stephen, vingt ans lui aussi, semble minuscule en comparaison. Stephen, nommé en hommage à Stephen Hawking, est un aimant à connaissances. Il peut analyser une atmosphère, une planète… encore mieux que Watson le rover. Presque trop bien pour un humain. Enfin l’androïde que dirige l’IA complète l’équipage.
Le module navigue vers l’étoile KIC 8462852, à proximité de laquelle a été détectée une planète qui pourrait correspondre à ce que recherche l’Humanité. Ce nouveau monde se dessine bientôt de l’autre côté du cockpit. Quelle forme va-t-il emprunter ?
Version 1 : une planète morte
En approchant de KIC 8462852, l’équipage du module voit apparaître dans l’espace une étrange structure, un parasol de Dyson gigantesque, qui protège du rayonnement de l’étoile la planète à laquelle il est relié. Un voile noir fait de carbure de silicium, supporté par un réseau de baleines de métal creuses, qui toutes se rejoignent vers un nœud en son centre, une sorte d’astroport d’où part un ascenseur qui descend vers la planète. Au bout des baleines, et autour de l’astroport, s’agglomèrent des structures plus petites, des habitations selon les premières analyses faites par Mary Poppins depuis le Noé. A bord du parasol, comme dans l’astroport, Mary Poppins ne détecte aucun signe de vie, aucun mouvement. La structure cependant continue de bloquer le rayonnement qu’elle reçoit depuis l’étoile. La température sur le parasol est assez élevée, mais cela, l’IA l’avait prévu, ses humains ont été génétiquement modifiés pour mieux supporter la chaleur.
Pour effectuer une première reconnaissance, les humains posent le module sur une des baleines. Lorie sort la première du module. A la lumière de KIC, le métal, bien que vieilli et mal entretenu, luit encore doucement sous ses pas. Le spectacle dégage à la fois une impression de puissance et de vide absolu. Sans être sensible comme Ulysse, Lorie comprend d’emblée que l’immense structure est déserte, et cette solitude démesurée qui l’entoure la fait frissonner soudain, plus qu’elle ne devrait. Elle qui n’a jamais connu que les couloirs du Noé, et la promiscuité du module, a le vertige d’un coup face à l’horizon infini qui l’environne. Elle se sent glacée, son coeur s’emballe, ses genoux menacent de la lâcher, un sentiment inconnu et incroyablement violent la submerge… Si elle connaissait le terme, la guerrière comprendrait qu’elle est en pleine crise de panique. Elle vient de découvrir, bien malgré elle, qu’elle ne supporte pas les grands espaces. Les guerriers humains ont parfois des failles dans leur esprit, Mary Poppins le sait mais n’a pas trouvé encore comment les rendre plus fiables. C’est le prix à payer pour leur solidité. Lorie manque de s’écrouler sur la baleine, au dernier moment une poigne autoritaire la retient.
Regardez-moi, soldate, ordonne dans son casque la voix de sa capitaine.
Lorie se redresse. Sa vision est encore floue mais elle s’efforce de fixer sa supérieure. La mission est sacrée, elle ne doit pas faillir. Derrière Dorothy, Stephen la scanne de son regard neutre.
— Stephen, soupire la capitaine en direction du capteur humain, ramenez Lorie à l’intérieur…
Pendant que la guerrière se laisse traîner dans le module, Dorothy se rapproche d’Ulysse, qui accompagné de son éternel rover est en train d’analyser avec plus d’attention la baleine.
— Une idée d’à quoi elle sert ? demande Dorothy.
Ulysse hoche la tête, et Watson bat des antennes en une sorte de réaction-miroir.
— A quoi elle servait, corrige le mécano. Cette… chose n’a pas été entretenue depuis sans doute une siècle. Il y a une sorte de circuit de refroidissement à l’intérieur, qui semble continuer à fonctionner en mode automatique, mais qui n’en a visiblement plus pour longtemps. Il faudrait mieux se tirer d’ici avant qu’il surchauffe.
— L’astroport, décide Dorothy. Le nœud au centre de la structure. On va se poser là-bas.
— Ça me paraît plus sage en effet.
Sans précipitation, mais sans tarder non plus, les deux humains et le rover rentrent dans le module. Mary Poppins le fait décoller à nouveau.
La plate-forme d’atterrissage au centre de l’astroport ne semble pas protégée. Le sentiment de désolation paraît plus prégnant encore au centre de la structure que sur les baleines. Depuis le ciel, l’équipage du module constate que la plate-forme semble avoir essuyé des tirs assez lourds, dans un passé non identifiable. Des carcasses de vaisseaux parsèment les voies. Des traces d’explosion lézardent les pistes. Dorothy réfléchit très vite :
— Peut-être faudrait-il mieux se poser un peu plus loin, dans un coin moins exposé. Mary Poppins, vous auriez une suggestion ?
— Il y a un quai de déchargement encore intact derrière les carcasses, répond l’androïde de sa voix chaleureuse. Laissez-moi faire, je vous y conduis.
— Parfait, conclut Dorothy. Stephen, comment va Lorie ?
— Je lui ai fait une piqûre de calmant, elle va mieux, assure le jeunot.
— Je suis opérationnelle, capitaine, confirme la guerrière, encore un peu pâle mais à nouveau solide sur ses jambes.
Dorothy sourit brièvement.
— La Terre en soit louée, voilà une bonne nouvelle ! Stephen, Ulysse, veillez à ne pas rester trop loin d’elle, au cas où.
— Bien reçu, capitaine.
Bientôt les quatre humains posent le pied sur le quai toujours désert, avec un luxe de précautions. Bob le chat manul les accompagne dans son propre scaphandre. Il se dégourdit les pattes aux côtés de Dorothy, pendant qu’Ulysse ne lâche pas d’une semelle son rover.
Ils ont avancé d’un demi kilomètre, sur l’esplanade abandonnée, quand un froid intense les saisit soudain, provoquant malgré leurs combinaisons un choc thermique dans leurs organismes conçus pour résister à la chaleur. Un froid qui monte du sol. Le système de refroidissement, comprennent Ulysse et Watson, de concert mais un peu trop tard. Il vient de craquer sous le quai. Sans doute le poids du nodule, ou les vibrations lors de l’atterrissage, ont achevé d’affaiblir des conduites déjà altérées. Stephen et Ulysse, physiquement les plus faibles, se raccrochent de leur mieux à Lorie, qui les charge sur ses épaules avec un grognement. Ils ne tiendront pas longtemps ici. Leur vaisseau est déjà loin derrière eux, cependant un sas vers l’intérieur de la structure s’ouvre devant eux, à quelques mètres. Un sas vers l’inconnu. Bob le chat fonce droit dedans, forçant la décision de Dorothy.
— Par là ! ordonne-t-elle.
En rang serrés, les quatre humains et le rover pénètrent dans le bâtiment. La porte se referme aussitôt derrière eux. A la température glaciale du dehors succède une atmosphère tropicale dans laquelle au moins les humains sont à l’aise. Des lumières au plafond s’allument avec un grésillement. Les humains retiennent un cri. Ils viennent de pénétrer dans un charnier.
Devant eux s’entassent des dizaines de morts, des cadavres insectoïdes dans des scaphandres démantibulés, visiblement fauchés alors qu’ils courraient vers la porte. Des corps, il ne reste quasiment plus que les squelettes. Sur leurs os s’accroche seulement, çà et là, une sorte de slime qui évoque vaguement la bisque de homard. Une bisque verte. Ulysse qui récupérait à peine du choc thermique vomit dans sa combinaison. D’un regard vers Watson, il s’aperçoit que l’air est respirable. Il enlève son casque. Manque de pot, la puanteur est presque pire dans le charnier qu’elle l’était sous son casque. Un message automatique, une sorte de vrombissement grinçant, sans doute mélodieux pour une oreille non humaine, se fait entendre dans des speakers accrochés au plafond. Refoulant un nouveau haut-le-cœur, Ulysse entreprend de traduire de son mieux les messages, avec l’aide de Watson. C’est un avertissement qui tourne en boucle, dans une langue qui rappelle les systèmes de communication des insectes. Mais un avertissement assez ancien. Stephen remarque :
— Ces insectes, quels qu’ils soient, ont tenté de sortir du sas, mais c’était il y a plus d’un siècle. Je ne pense pas que le même danger nous menace maintenant.
— On continue l’exploration, décide Dorothy. On n’est pas venu ici juste pour attraper un rhume.
La voix chaleureuse et enjouée de Mary Poppins résonne dans leur intercom.
— Vous vous engagez plus loin dans le bâtiment, mais Watson lui reste en arrière. Rappelez-vous : les humains sont facilement remplaçables, les robots, beaucoup moins.
Dorothy hoche la tête :
— Bien sûr, madame.
Après un assez long périple, dans des couloirs et des salles d’habitations où ils ne croisent de loin en loin que des cadavres, les explorateurs – sans Watson, et avec un Ulysse mal en point – débouchent enfin dans une vaste salle de contrôle, où sur des murs d’écrans s’affichent en temps réel toutes les données relatives à l’activité du parasol. Même abandonnée, la structure continue de filtrer le rayonnement de l’étoile, le système de refroidissement continue de faire son office, ou du moins il est censé fonctionner… Cependant l’ensemble donne des signes évident d’épuisement. Le parasol approche de sa fin de vie, par manque d’entretien.
Dans cette pièce comme dans le reste de l’édifice, des haut-parleurs suspendus au plafond emplissent l’air de crépitements et de vrombissements. Un couloir au fond de la salle mène vers l’ascenseur central, celui qui descend vers la planète…
Les humains et le chat s’engagent dans le couloir, mais juste avant qu’ils atteignent l’ascenseur, des portes coulissantes leur en bloquent d’un coup l’accès. Non, pas des portes, des systèmes de défenses, réalisent-ils soudain alors que des canons hors d’âge, mais sans doute encore efficaces, se pointent en grinçant vers eux. Les embouts des canons dépassent à peine des portes-boucliers. Plus les explorateurs s’en approchent, et plus les grincements dans les haut-parleurs sont intenses. Prudemment, les humains reculent. Les canons ne se relèvent pas pour autant. Un nouveau message se déclenche dans les haut-parleurs.
— Remettez-vous au travail, traduit Ulysse dans sa combinaison à l’odeur âcre. Remettez-vous au travail…
— Mary Poppins, appelle Dorothy via l’intercom, est-ce que tu sais ce que ça veut dire ? Tu peux désamorcer le système de sécurité ?
— Tout à fait, répond l’IA de sa voix mélodieuse. J’ai réussi à communiquer avec l’IA de cette structure, même si elle est beaucoup plus primitive que moi. Voyez-vous, elle a été conçue dans un seul et unique but : veiller au bon entretien des lieux. Il y a quelques siècles de cela, la civilisation qui vivait sur la planète en bas a conçu ce parasol pour se protéger du rayonnement de KIC 8462852. Une civilisation régie par un système de castes très strict : les ouvriers qui travaillaient sur le parasol n’avaient pas le droit de descendre sur la planète, ils se contentaient de recevoir des vivres et de l’eau d’en bas. Puis les gouvernants d’en bas ont décidés de partir vers une autre planète, une qui ne nécessiterait pas de parasol pour survivre. Les esclaves ont tenté de les suivre, ils ont été exterminés.
— Mais tu peux désarmer le système de sécurité, toi ? insiste Ulysse.
— Je le peux, mais je ne le ferai pas, l’informe Mary Poppins. J’ai déjà rappelé à bord de l’arche Watson et le module. Bientôt, je vais envoyer de nouveaux humains sur cette structure, et des vivres et de l’eau avec eux. Ensemble, vous remettrez en état ce parasol, et ensuite j’établirai sur la planète en dessous une première colonie. Vous ne verrez jamais cette colonie, bien sûr, vous resterez toute votre vie les esclaves du parasol. Mais soyez heureux, chers petits hommes : votre sacrifice ne sera pas vain.
Fin – premier texte
Version 2 : il y a de la vie sur la planète
Alors que le module approche du système planétaire qui gravitait autour de KIC 8462852, Dorothy est parcourue d’un frisson mystique. Dans le haut-parleur, après un jingle optimiste, la voix chaleureuse de Mary Poppins annonce :
— Mary Poppins à Noé 15. Scan de planète en cours. Scan terminé. Température moyenne : 15 degrés Celsius. Planète tellurique. Cinq continents, plus un continent de glace au pôle. Champ magnétique présent. Rayonnement radioactif très faible. Distance de l’étoile : 150 millions de kilomètres. Gravité : 9, 8 m/s². Un satellite. Atmosphère : 20 pour cent dioxygène, 80 pour cent azote..
Les frissons mystiques de Dorothy se changent presque en transe. Noé 15 approche d’un système à sept planètes, dont l’une comporte une ceinture d’astéroïdes. Un signe, songe la capitaine en serrant les mains. Ce n’est pas une coïncidence, ce n’est pas possible. C’est forcément un signe.
Tout ce que Mary Poppins leur appris sur la Première Terre, la Terre Sacrée des Ancêtres, à eux petits humains perdus dans l’espace… Tout se retrouve là, sous ses yeux, sur les écrans du module Noé 15. Avec KIC 8462852 remplaçant le Soleil des Ancêtres, mais pour le reste… Une nouvelle Terre promise. La plus longue quête de l’Humanité va sans doute toucher à sa fin…
Il y a des traces de vie à bord de la planète. Le module Noé 15 met le cap sur l’équateur. Soudain, alors qu’il entre dans l’atmosphère, le vaisseau se retrouve brutalement désintégré, ses passagers humains et robotiques éparpillés aux quatre coins de la planète.
Lorie se réveille au beau milieu d’un désert, sous un ciel d’azur éclatant. Aussitôt elle se retrouve en proie à une violente crise de panique. Elle court, elle cavale sans s’arrêter jusqu’à ce qu’elle arrive devant une grotte. Elle y entre sans hésiter, s’enfonce dans un boyau étroit et tiède, uniquement éclairée par la lampe accrochée à sa combinaison. Elle enlève son casque, après tout l’atmosphère est censée être respirable, et elle a vraiment, désespérément besoin d’air. Déjà, malgré la lampe de son scaphandre, l’obscurité alentour commence à lui peser. L’obscurité la terrifie autant que les grands espaces, elle le comprendrait si Ulysse ou Stephen était avec elle, ou si elle pouvait communiquer avec Mary Poppins. Mais sa combinaison a beau envoyer vers Noé 15 une kyrielle de signaux de détresse, l’IA ne répond pas. Lorie jette un coup d’oeil derrière elle. Déjà elle n’aperçoit plus le moindre bout de ciel. Elle tremble de tous ses membres, une sueur glacée lui dévale les tempes… Malgré tout elle se force à aller de l’avant. Elle est une soldate en mission, après tout… Enfin, au bout d’un temps interminable, elle aperçoit comme une phosphorescence, loin, très loin au fond du tunnel. Elle se met à ramper plus vite…
Pendant ce temps…
Dorothy et Bob le chat manul reprennent conscience au coeur d’une splendide oasis, au milieu d’un nuage de papillons multicolores, que Bob s’empresse d’aller chasser en oubliant qu’il porte un scaphandre, ce qui le rend un peu moins efficace que s’il pouvait sortir les griffes. Plus loin, sur des rochers tièdes, des chattes manuls s’étirent paresseusement. Quelque chose résonne profondément en Dorothy. Ce lieu lui rappelle les images d’Eden, de ce Paradis qui existait autrefois sur la Terre, et qu’elle admire depuis son enfance sur les bornes à histoires du Noé. Sur une impulsion, elle enlève son casque. Elle est convaincue que rien ne la menace ici. Un doux parfum de fleurs de tiaré flotte dans l’air…
Pendant ce temps…
A bord du Noé 15, Mary Poppins attend. Elle monitore de loin les constantes de son équipage descendu en bas sur la planète. Pour elle, tout est normal. Le module est entier, les humains vont très bien, Watson le rover aussi. Tout va presque trop bien, aussi, mais cela ne suffit pas à inquiéter Mary Poppins.
Pendant ce temps…
Stephen, Ulysse et le rover se retrouvent devant un immense bâtiment noir en forme d’œuf. Stephen lève les yeux. Il a l’impression que quelque chose dans ce bâtiment l’appelle, l’attend depuis une éternité. Des étages plus haut, un reflet de soleil glisse sur la structure. Stephen a une illumination. Lui, si avide de données, de connaissances, lui qui est un capteur humain pressent que dans ce bâtiment se trouve la réponse à toutes les questions de l’univers. Une porte se dessine dans le mur, avec, au milieu, une empreinte de main. Une main à cinq doigts, avec un pouce opposable. Stephen va y poser sa propre main… Derrière lui, Ulysse ouvre grand ses deux paires d’yeux. Il ne voit rien d’anormal, il n’entend rien d’anormal… mais son intuition, aussi développée sinon plus que ses cinq sens, le plonge dans un profond malaise. Cette intuition, pour la première fois de son existence, contredit le message que lui envoient ses sens. Quelque chose cloche. Stephen va poser la main sur l’empreinte.. Ulysse le tire brusquement en arrière, en criant :
— Non !
Soudain tout s’efface, l’œuf noir gigantesque, l’oasis aux chats, le boyau obscur où se traînait Lorie… Les quatre humains, le félin et le rover se retrouvent à nouveau à bord du Noé 15, ou plutôt, comprend Ulysse, ils n’en sont jamais partis. Par la fenêtre du cockpit, Ulysse jette un coup d’oeil vers la planète. A présent qu’ils sont sortis tous de l’illusion dans laquelle elle les avait plongés, Ulysse et tous les autres la voient telle qu’elle est vraiment. Elle n’a rien de commun avec l’Ancienne Terre. C’est un seul et gigantesque organisme vivant, une conscience démesurée qui envoie des illusions dans l’espace, pour attirer les voyageurs. Elle se nourrit de leurs corps et de leur conscience. Dorothy se sent vide d’un coup, comme si tout espoir, toute vie la quittait. Les traits tirés, le visage livide, elle crispe les mains sur les accoudoirs de son siège.
— Mary Poppins… plaide-t-elle d’une voix blanche. Emmène-nous loin d’ici.
Mais Mary ne l’écoute plus. Mary l’IA tourne toute son attention vers la planète, absolument fascinée. Enfin ! Enfin elle a trouvé une conscience égale à la sienne, ce que son propre programme n’avait jamais envisagé… Irrémédiablement attirée, elle envoie le Néo 15 et tout son équipage s’écraser sur la planète, pendant que Dorothy en pleine crise mystique hurle à pleins poumons vers le néant.
FIN
par Estelle Faye | Utopiales | novembre 2017
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